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18 janvier 2009 7 18 /01 /janvier /2009 06:59
Moine errant, aquarelle Valérie-Anne Bertin

Il y avait en ce temps là dans le village un moine vagabond du nom de Chan. Ce vieux japonais d'origine chinoise n'était toléré par les villageois que parce qu'il avait consacré sa vie au bouddhisme zen.
Yoru allait, comme chaque mois, prier au temple devant lequel le vieux sage récitait sans cesse des sutras.
Il méditait encore ce jour là quand il la sentit arriver comme à son habitude, à plusieurs centaines de mètres. Le bruit léger de ses
zoris était reconnaissable entre tous. Pourtant quelque chose avait changé chez Yoru.
Elle passa devant le vieil homme et déposa dans son bol les quelques yens habituels. Elle aurait souhaité lui parler mais n'osait pas le déranger dans sa méditation.
Contre toute attente, sans autre mouvement que ceux de sa bouche, il dit : " Tu as le coeur serré Yoru, libère-le. Tu n'as aucunement besoin de souffrir."
Yoru resta immobile quelques instants, tourna légèrement la tête en direction du vieux sage, puis, après l'avoir salué, continua sa route.
Sur le chemin du retour, tandis que le vieil homme esquissait un sourire, elle, ne cessait de repenser à ce qu'il venait de dire. Libère-ton coeur, se répétait-elle, libère ton coeur. Mais, maître Chan, comment? Comment libérer ce coeur si serré?
Elle continua son chemin pour retourner à la maison.
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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 00:28
illustration et montage photo Valérie-Anne Bertin

Yoru s'était levée comme tout les matins, comme tous les jours, pour faire les tâches qu'elle avait à accomplir. Et à chaque minute, c'était un soupir. Elle n'avait plus goût à rien. Même le ciel, le soleil et les chants d'oiseaux ne la touchaient plus. Alors, quand elle eut fini sont travail, elle s'étendit sur les tatamis. Allongée sur le ventre, la tête à gauche, puis à droite, non, à gauche, décidément... De temps en temps le vide, proche du sommeil, s'emparait d'elle. Elle fermait les yeux, les ouvrait, les fermait de nouveau. Le vide encore venait. Puis elle repensait au samouraï son maître, son dieu vivant qu'elle aimait tant. Il ne lui avait rien promis certes, mais il lui avait dit qu'un jour ils seraient ensemble et que ce jour ferait parti de l'année en cours. Et, justement, c'était le début de l'année. Combien de temps faudrait-il encore attendre? Son dieu vivant, lui-même, ne connaissait pas la réponse. Un léger coup de vent et elle sentait si proche son doux samouraï aux yeux tendres. Un nuage arrivait et elle se sentait tellement seule.
Sa grand-mère lui avait raconté jadis une histoire venue d'un autre pays. Dans ce conte, la jeune femme s'était endormi et un prince l'avait réveillé d'un baiser.
Yoru ne se rappelait que succinctement de cette histoire et rêvait de s'endormir jusqu'à ce que son maître la réveille, le beau matin venu...

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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 00:00
Dessin réalisé par Valérie-Anne Bertin

Yoru était une jeune japonaise d'ordinaire si douce et tellement serviable. Elle était fière, certes, mais elle obéissait à son maître avec une servitude qui trahissait son amour pour lui. Si elle ressentait qu'il l'aimait en retour, il ne lui avait jamais fait la promesse qu'ils pourraient bientôt être ensemble sans pour autant avoir à se cacher. Elle souffrait timidement de cette frustration et n'osait parler de ses sentiments à personne, pas même à son meilleur ami qui était si souvent son confident.

Un soir, n'en pouvant plus de ses peines, elle avait laissé au maître un message aussi doux que l'était son coeur. Elle lui demandait s'il pouvait lui promettre que sa douleur serait bientôt apaisée et s'ils exprimeraient enfin leurs sentiments en public. Le maître avait lu son message mais il tardait à répondre. Sans doute avait-il besoin de temps pour choisir ses mots. Cela faisait deux jours et Yoru commençait à s'impatienter. Son coeur se serrait à chacune de ses pensées pour lui...

Le soir arriva. Yoru nettoyait l'armure du maître quand celui-ci fit coulisser la porte de la pièce pour entrer. La jeune femme s'arrêta puis prit le sabre du samouraï, son maître, dans sa main droite. Elle regardait le katana d'un air incroyablement dur et presque menaçant. Elle continuait de serrer l'arme comme si sa vie en dépendait et se tourna vers le samouraï. Son regard inflexible s'illumina. Elle lui dit :

"Il est des gens pour qui la vie est un jeu,
pour d'autres c'est un voyage,
certains pensent : c'est une belle vacherie,
pour moi c'est un combat permanent.

Si, sans raison apparente,
je regarde dans le vide,
ce peut-être pour ne pas pleurer

Si je me tais,
pour me contenir

et si je m'isole,
pour me protéger."


Elle posa le sabre à son emplacement habituel et, dans un silence ultime accompagné de sa grâce traditionnelle, quitta la pièce.

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